Littérature·Littérature contemporaine

Vox de Christina Dalcher

Mon article contient des spoilers. Je vous préviens à l’intérieur de la chronique même pour que vous puissiez passer cette partie…

***

Ce livre est une bombe… une bombe qui s’apprête à exploser… à moins que…

Jean habite une banlieue américaine avec son mari Patrick et ses quatre enfants : Steven, Sam et Léo (les jumeaux) et Sonia, la petite dernière. 

Jean est une épouse et une mère comme tant d’autres. Mais surtout, Jean est une femme. Et pour cette raison, elle et sa fille portent au poignet un bracelet électronique. Un compteur de mots pour être précis qui limite la prise de parole des femmes grâce à un contingent fixé de 100 mots par jour. Si le quota est dépassé, une décharge est envoyée, une décharge qui s’amplifie à chaque mot en trop prononcé. 

Tout a commencé quand un parti extrémiste religieux, appelé « Pur », a été élu lors des élections présidentielles. Son projet ? Asservir la moitié de la population. Assujettir les femmes, pour qu’elles redeviennent de dociles agneaux, nées pour servir leur époux et leurs enfants. Ce qu’elles auraient toujours dû être en somme. 

La catastrophe annoncée ne pouvait pas être réaliste, son amie Lin en était certaine. La moitié de la population mise au chômage ? Comment réussir à faire vivre un pays dans ces conditions ? Et bien la solution fut facilement trouvée : les hommes n’occuperaient plus que les postes dits essentiels. 

Depuis un an donc, Jean se révolte en silence. Elle repense à Jackie, son ancienne colocataire, une féministe extrémiste elle aussi, qui avait prédit l’ouragan. Souvent, elle réfléchit à elle et à ce qu’elle aurait pu faire. Plus précisément, aux actions qu’elle aurait pu mener au lieu de se contenter de construire un foyer…

Mais sa rébellion intérieure commence réellement le jour où sa fille, Sonia, lui annonce avoir gagné un concours et obtenu une récompense. Tout cela en trois mots, elle a bien regardé son compteur. Ce prix est celui du silence. À 5 ans, Sonia est un exemple. La société a réussi à la transformer en une docile et silencieuse créature. 

Pire encore, elle enrage lorsque son fils, Steven, reçoit son insigne représentant un P et qu’il n’hésite plus à dénoncer les comportements interdits, même s’il en est l’initiateur.

Jean ne laissera pas ses enfants tomber dans cet infernal chaos.

Alors, quand le frère du président tombe malade et que les agents gouvernementaux font appel aux services du Docteur Jean, la spécialiste en linguistique qui travaillait autrefois sur un remède contre les troubles de la parole, Jean voit là une occasion de s’émanciper, mais surtout de libérer ses enfants, et en tout premier lieu, sa fille.

Aidée de Lin et Lorenzo, le pouvoir est désormais entre les mains de ce trio de scientifiques. 

La révolte n’est pas loin, et Jean le sent…

**

Le monde de Christina Dalcher est très bien construit, avec un côté tout de même très manichéen : les femmes contre les hommes ; les Purs contre les résistants ; Patrick vs Lorenzo…. 

Les détails, souvent crus, sont si réalistes, que l’immersion est complète. Par exemple, les décharges ressenties sont décrites avec minutie ; un épisode est même consacré aux dégâts physique qu’elles peuvent engendrer. 

Il est également question des camps dans lesquels sont envoyés les résistants et les « impurs ». D’autres grands thèmes sont évoqués comme le suicide, la dénonciation, la résistance, la maladie, l’amour ou encore l’espérance. 

De ce point de vue, l’univers semble assez solide. 

*

D’autre part, le livre se lit d’une traite tant l’écriture est simple. Pas de grandes paroles, pas de grandes leçons de morale. Seulement des passages sur la linguistique en tant que discipline scientifique qui peuvent très légèrement déstabiliser parce que c’est très jargonnant. 

Il y a aussi le fait que le roman soit écrit à la première personne et qu’il mêle à la fois la narration présente, la narration passée (les souvenirs) mais aussi les alternatives. C’est-à-dire les autres réalités, celles qui auraient pu être si Jean avait agi autrement, avait osé donner une autre réponse…

*

Des points positifs qui expliquent pourquoi j’ai d’abord beaucoup aimé ce roman dystopique. Je l’ai dévoré en même pas deux jours et je m’apprêtais déjà à vous annoncer que j’avais lu une véritable pépite !! Puis les vingt dernières pages sont arrivées. Et c’est là que le bât blesse. 

Plus j’avançais dans ma lecture, plus je voyais donc les pages défiler et l’épaisseur des feuillets à lire diminuer. Pour autant, l’intrigue n’avançait plus suffisamment vite pour qu’une solution pérenne soit envisagée. Je pensais donc rester sur ma faim, devoir attendre un autre tome alors que je n’en avais pas entendu parler. Je me trompais…

[Attention spoiler]

Tout se passe dans les quatre derniers chapitres. 

C’en est ubuesque et ça provoque surtout l’effet vertigineux d’une grande chute inattendue, mais pas dans le bon sens du terme.

La fin n’est pas du tout à la hauteur de l’intrigue qui parcourt le roman. Le happy endingne m’a pas du tout convaincue. Tout rentre parfaitement dans l’ordre, les solutions insolubles sont finalement réglées et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes (petite référence dystopique que vous n’aurez pas manquée 😉 ). 

Les gentils remportent la partie ; Patrick, qui devenait un obstacle entre Jean et Lorenzo meurt, comme ça plus de problème…

*

Et puis, aucun soulèvement, aucune véritable résistance ni dans un sens, ni dans l’autre. Le pays vit ainsi depuis un an et il aura suffi d’un verre empoisonné pour tout changer… Un peu facile non ?

J’avoue que je n’arrive toujours pas à comprendre cette fin. J’avais imaginé tant d’alternatives que celle-ci me semble vraiment plate. 

En même temps, dans les remerciements, l’auteure dit avoir écrit le roman en 2 mois… peut-être qu’un peu plus de réflexion aurait permis une ouverture à la fois bien plus intéressante mais surtout de clore le roman sur une note positive.

Ce roman qui laissait entrevoir tant d’espérance…

[fin du spoiler]

Ce livre m’a déconcertée, abasourdie également sur deux autres points.

Le premier : pourquoi avoir décidé de représenter un parti extrémiste religieux chrétien ? Ce choix m’interroge, vraiment…

Le second : les expériences animales m’ont terriblement dérangée. On ne peut pas faire l’apologie de cette pratique scientifique, surtout que l’auteure entre très précisément dans les détails. 

***

En bref : Un livre distrayant, qui se lit très facilement, que vous dévorerez sans aucun doute, mais qui n’est pas du tout à la hauteur des grandes dystopies, alors même qu’il est présenté comme tel dans la presse.

Si vous cherchez un chef-d’œuvre, tournez-vous vers 1984de George Orwell.

**

Très comparé également à La Servante écarlate, je suis en train de lire ce livre afin de me faire mon propre avis sur ce rapprochement. Est-il légitime ?… Affaire à suivre donc. 

***

Et vous, avez-vous lu ce roman dystopique ? Qu’en avez-vous pensé ? Votre avis m’intéresse alors n’hésitez pas à le partager.

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